vendredi 20 décembre 2013

Kolkata (Inde) - 20/12/2013

Appelons la Kolkata, puisque c'est le nom officiel de Calcutta depuis 2001. Nous y sommes depuis
près de 2 semaines, après un long voyage étalé sur deux jours depuis Ilam: jeep + bus + passage
de frontière en vélo-rickshaw (Rodolphe embarqué avec nos sacs, moi marchant à côté, notre
chauffeur hilare de cette situation répartition homme/femme/bagages inusitée) + auto-rickshaw +
train + taxi. Ouf!
Train indien - service repas au siège!
Un autre détour, puisque nous n'avions pas prévu de nous arrêter ici. Détour ayurvédique: nous sommes en traitement intensif depuis une dizaine de jours. Nos dos n'ont qu'à bien se tenir! Nous ne sommes pas dans un centre en pension complète (très en vogue dans le Kerala, où des centres plus ou moins sérieux offrent des séjours de détente/traitement/détox. agrémentés parfois d'activités plus ou moins en phase, du yoga au surf), mais sommes en consultation externe dans une clinique. Le traitement consiste en une prise régulière de médicaments (naturopathie – première prise à 6h du mat, on n'est pas là pour rigoler!) et des séances quotidiennes de massage. Sans entrer dans les détails, on nous frotte, masse, tapote, bouchonne chaque matin pendant 1 heure, à quatre mains, avec de l'huile chaude. Quand on descend de la table de massage (en bois brut, on n'est vraiment pas là pour rigoler!), on est plus luisants qu'une frite trop grasse de la Banquise, mais on sent bien meilleur. Et apparemment, ça fonctionne : je cavale presque comme une jeunette (merci aux auteurs des sympathiques messages insinuant qu'on se fait vieux...), et j'espère être complètement remise d'ici une semaine. Restera ensuite à traiter l'aspect psychologique : j'émets de forts et incontrôlables grognements chaque fois que j'aperçois un bus Tata... Rodolphe a lui aussi droit à son traitement huileux – travail en profondeur de son côté, puisqu'il s'attaque carrément aux hernies. En parallèle, le médecin s'est mis en tête de mettre fin à ses éternuements matinaux – ce sont les voisins qui vont être contents! Et pour lui aussi les choses progressent bien. Nous sommes donc bien satisfaits de ce détour, qui nous change carrément du rythme du voyage et nous installe dans une petite routine pas forcément désagréable.

Chaque matin, réveil à 6h (foutus médocs!) et départ pour la clinique à 8h. C'est un peu loin et un peu compliqué à rejoindre en transport en commun et un peu tôt, alors on y va en taxi – dans une belle Ambassador jaune, comme tous les taxis. Massage, et comme nos rendez-vous sont un peu décallés, on profite du WiFi dans la salle d'attente – le seul endroit où on ait trouvé du WiFi pour l'instant. Retour à l'hôtel en transport en commun : auto-rickshaw + bus + métro, ça nous prend 1h15 environ. Et on a déjà nos petites habitudes : entre l'auto-rickshaw et le bus, on s'arrête régulièrement pour manger une masala dosa (crêpe de farine de riz garnie d'un curry de pomme de terre) ou un autre plat d'Inde du sud; entre le bus et le métro, on s'arrête systématiquement pour acheter une petite sucrerie indienne, différente chaque jour, dont on ignore absolument le nom, mais c'est tellement bon! On arrive à l'hôtel juste à temps pour la sieste, car plus que des massages relaxants, les traitements sont des combats (rien de moins – je suis sortie de la deuxième séance avec des bleus!!!) et on en sort crevés. Ensuite, c'est selon : balade vers l'une des attractions touristiques de la ville ou simplement dans le quartier musulman tout proche (nous avons droit à l'appel des muezzins 5 fois par jour, c'est cool), lassi (excellente boisson au yaourt) à l'incontournable Pure Milk Emporium ou bière sur la terrasse de l'hôtel, lecture dans un café. Et le soir, on se déniche des petits restos de cuisine du Bengale, assez différente et qui utilise des ingrédients comme la fleur de bananier ou le fruit du jacquier, et met l'accent sur le poisson (notre période végétarienne est terminée, on a même mangé de la chèvre, sans faire exprès...) Et en parallèle, Rodolphe travaille sur son roman. Pas le gros stress, quoi. On profite de Kolkata.

Petit resto

D'autant plus que nous aimons toujours autant cette ville, où nous avions déjà passé une dizaine de jours en 2001. Comme dit Rodolphe, c'est sale, bruyant, ça pue, c'est épuisant, mais on adore. Difficile d'expliquer pourquoi, à vrai dire, car tout ce qu'en dit Rodolphe est vrai. Contrairement à Katmandou où les rues étaient balayées chaque nuit, ici les ordures jonchent en permanence certains tronçons de trottoir (il suffit de savoir lesquels et de les éviter); autre différence avec le Népal, qui est pourtant bien moins développé et beaucoup plus pauvre : à Katmandou, jamais nous n'avons vu personne faire ses besoins dans le caniveau, alors qu'ici, c'est banal, limite normal. Alors forcément, ça pue. D'autant plus qu'à ces effluves, il faut ajouter celle des pots d'échappement. L'Inde se développe, la classe moyenne (Rodolphe a lu qu'elle représente environ 100 millions de personnes...) se déplace en voitures privées. Qui viennent s'ajouter aux innombrables taxis, motos, bus, auto-rickshaws. Le trafic est continu, la pollution omniprésente. (Mais ici personne ne porte de masque, nous non plus d'ailleurs, histoire de ne pas se faire remarquer – j'y reviendrai – on se contente de tousser.)
Trafic
Et avec 14 millions d'habitants, autant de corbeaux/pigeons/rapaces/chiens errants (et au moins deux fois plus de rats, mais eux sont silencieux), les klaxons, forcément, il y a un peu plus de bruit que chez Maman à Belz ou qu'au chalet d'Alain.

Mais il y a, partout, les vestiges de magnifiques bâtiments de l'époque coloniale, ces beautés décrépites qui nous rappellent parfois La Havane;
Une envie de faire des rénos??
le sourire fripé d'une vielle, qu'on lui donne une pièce ou non, du moment qu'on lui fasse un signe de tête; dans les rues, partout, les odeurs hyper alléchantes des samosas, currys, beignets cuisinés sur le trottoir. Il y a aussi cette atmosphère, cette énergie qu'on n'avait retrouvées nulle part ailleurs lors de notre précédent séjour en Inde. Si Delhi et Mumbai sont les capitales politique et économique, Kolkata est sans contredit la capitale culturelle et artistique de l'Inde. Beaucoup de musées et une volonté de préserver et restaurer le patrimoine (même si certains édifices sont sans doute irrécupérables et sont rachetés pour être détruits et remplacés par du neuf). Par exemple, à 5 minutes de l'hôtel, un vieux bâtiment a récemment été restauré, ça a apparemment pris plusieurs années, mais il est magnifique, identique à l'original jusque dans les détails. Bon, OK, il abrite maintenant un Pizza Hut, mais j'imagine que ça a dû aider à payer les rénos, et puis c'est une rue branchée et malheureusement, c'est entre autres vers Pizza Hut, MacDo, Subway que se tourne la classe moyenne.

Et au delà des musées, il y a des galeries d'art, une scène littéraire et dramatique active, des films en bengali, une façon de penser différente. Nous avons rencontré une libraire qui est aussi à la tête d'une petite maison d'édition qui publie toute sorte de livres traitant de commerce équitable, développement durable, éducation alternative. Dans l'allée qui mène à sa librairie, elle organise un marché fermier bio. Banal dans le Vermont, mais ici, le bio...

Et puis à Kolkata, on apprécie les gens. On s'entend : ce n'est pas le Népal, on est dans une ville de 14 millions d'habitants, alors non, les enfants ne nous crient pas « Naaaaamaaaasteee » à tous les coins de rue. Et la tournure va sans doute sembler un peu bizarre, mais on apprécie avant tout... qu'ils ne soient pas chiants! Je m'explique.
Avant-hier, nous sommes allés au Victoria Memorial, un grand bâtiment de marbre blanc à la gloire de la Reine Victoria (un peu comme si on avait voulu lui faire son petit Taj Mahal à elle, c'est beau, mais moins réussi quand même). C'est l'un des principaux monuments de Kolkata et il attire beaucoup de touristes indiens. Outre le bâtiment, deux ailes renferment des musées, dont un vraiment pas mal sur l'histoire de la ville. Eh bien je crois qu'avant-hier, oubliées Victoria et l'histoire de Kolkata; avant-hier, le clou du spectacle, c'était moi! Les gens passaient entre les panneaux d'exposition et moi pour me regarder de près, me pointaient du doigt en se poussant du coude, me prenaient en photo. Rodolphe aussi, mais il avait beaucoup moins de succès. La star, c'était moi! Et en Inde, c'est comme ça tout le temps. Promis, je n'exagère pas. Nous sommes des curiosités alors on nous observe. C'est normal, et il n'y a rien de malpoli ou de méchant à ça – même si c'est très désagréable, et que ça n'aide pas à la concentration dans un musée... C'est comme ça. Sauf à Kolkata. Ici, les gens s'en foutent, on ne les intéresse pas plus qu'un autre indien ou que le cul-de-jatte qui fait la manche au coin de la rue. Idem quand on achète quelque chose ou qu'on prend un rickshaw : on paie le même prix que tout le monde. On n'a pas l'impression, comme parfois ailleurs, de n'être qu'un porte-monnaie ambulant. Bon, évidemment, il y a les rabatteurs près du New Market (2500 échoppes, du tailleur au boucher en passant par le quincaillier), qui veulent absolument nous faire acheter un sari ou un bonnet de père Noël avec lumières clignotantes  intégrées; mais quand Rodolphe leur dit qu'il cherche un éléphant ou un tigre, à la rigueur un lion, ils s'éloignent  en rigolant – on a vu plus insistant.

Bref, on est bien ici. Alors même si on a hâte de redécoller pour poursuivre le voyage, cette halte est somme toute hyper agréable.
Pour finir, quelques faits et réflexions, en vrac :
- À Kolkata, tout commence tard : le métro démarre à 7h, il est difficile de trouver un thé avant 9h, et quand on quitte l'hôtel à 8h, on doit réveiller les 2 petits gars qui surveillent notre étage pour qu'ils nous ouvrent la porte. On l'a appris à nos dépens, en se pointant un des premier jours au marché à 7h du mat', tout fringants, appareil photo à la main. On nous a dit en rigolant de retourner nous coucher et de revenir à 10h... Il ne s'y passe rien avant!
Le marché avant 10h

- Les Ambassadors disparaissent! En 2001, TOUTES les voitures sur les routes d'Inde étaient des Ambassadors (du fabricant Tata – grognement modéré, excusez!). Ces grosses voitures très années 50, presque toujours blanches, sont en voie de disparition, remplacées par des voitures japonaises, accessoirement des BMW et des Mercedes. Hier matin, devant une maison, 4 voitures de sport, dont une Ferrari (on se demande comment ça peut rouler vu les nids de poule locaux, mais bon...). Heureusement, il reste les taxis qui sont tous des Ambassadors jaunes, et quelques voitures de la fonction publique.

- On nous a dit à plusieurs reprises que la population de Kolkata est riche. Pas de généralisation, il y a encore des mendiants à chaque coin de rue, des bidonvilles, des quartiers qui crient la misère, des familles qui vivent sous une bâche tendue au-dessus du trottoir. Mais il y a aussi, et beaucoup plus qu'il y a 13 ans, beaucoup de grands et de gros. Des enfants obèses également. Là encore, je ne veux pas généraliser, ni étendre cette constatation au reste de l'Inde. Mais ici, il est fini le temps où, sur un banc d'autobus, on mettait 2 occidentaux ou 3 indiens. Le pays s'enrichit, la classe moyenne grossit – au sens propre comme figuré, et à Kolkata, ça saute vraiment aux yeux.

- Hier soir, nous sommes allés manger une pizza (ben oui, avouons-le!) dans un resto fréquenté par la classe moyenne et la jeunesse dorée de Kolkata. Et pour illustrer le trou énorme qu'il existe entre le niveau de vie des uns et celui des autres. Sachant qu'un pizza coûte $10, une entrée ou un dessert $5, une bouteille de vin $30, la petite famille à la table d'à côté a dû s'en sortir pour $100 à $150 environ. Sachant qu'un employé de centre d'appels gagne entre $80 et $160 par mois, on imagine bien que le salaire du serveur de la pizzeria ne dépasse pas les $50 mensuels. Donc, notre petite famille a dépensé entre 2 et 3 fois le salaire mensuel du serveur pour un repas de pizzas et tiramisu. Et on ne compare pas des chauffeurs de Ferrari avec les gens qui vivent avec moins de 1$ par jour...

- Une incongruité. Imaginez  qu'à 13h chaque jour le boulevard Saint-Laurent devienne Nord-Sud. Le bordel! Eh bien ici, ils le font! Chaque jour à 13h, sur plusieurs artères principales de la ville, le sens de circulation s'inverse. On y a assisté en direct : on s'attendait à un bazar innommable, vu que la circulation est déjà chaotique par défaut, et on regrettait presque de ne pas avoir pris nos boules Quies, tant on anticipait une cacophonie encore pire que l'habituel concert de klaxons. Eh bien non : tout se déroule dans le calme. Un flic armé d'un talkie-walkie, debout au milieu de la route (3 ou 4 voies, donc 3 voitures, 2 motos et 2 rickshaw de front, au moins), dévie le trafic vers la gauche ou la droite, tout le monde respecte et hop, 10 seconde plus tard, les voitures commencent à affluer dans l'autre sens. Peut-être que finalement, derrière l'apparent chaos, l'ordre règne à Kolkata??

On vous donnera sûrement d'autres news avant de quitter la ville: nous y sommes encore au moins pour une semaine/10 jours, selon ce qu'en disent nos médecins. C'est qu'il faut qu'on soit en forme pour aller affronter les grands froids de l'Arunachal Pradesh (et les 3 jours de routes défoncées pour s'y rendre). Himalaya, nous revoilà (bientôt).

Bises à tous et à bientôt
Karine & Rodolphe
 

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